Un fonds d’aide aux locataires pour endiguer les dégâts de la crise
Face à l’urgence générée par la crise sanitaire, Oise Habitat a lancé un fonds de soutien expérimental dédié aux locataires pris dans la spirale de l’endettement et ne pouvant pas payer leur loyer. Un dispositif innovant, souple, déployé rapidement, qui doit servir de tremplin pour les familles qui en bénéficient. Explications avec Anne-Christine Dobrazic, conseillère en économie sociale et familiale, et Jean-François Déage, directeur du développement social et de la communication de Oise Habitat.
Comment l’idée de ce fonds de soutien a-t-elle éclos pour faire face à l’urgence sociale ?
Anne-Christine Dobrazic et Jean-François Déage : Dans le contexte de crise sanitaire et économique, la direction générale a voulu lancer une initiative pour venir en aide aux locataires en difficulté, victimes de la crise, ceux qui pour la première fois se sont retrouvés dans l’impossibilité de payer leur loyer. L’idée était de dire : ces gens vont certainement rebondir, mais pour cela il faut les aider à passer un cap, de sorte qu’ils ne s’enfoncent pas dans le cercle de l’endettement. La direction générale de l’office a proposé à nos administrateurs de créer un fonds expérimental de 30 000 €, puis de proposer aux maires et aux CCAS des 70 communes d’implantation de signer une convention et abonder ce fonds à la hauteur de ce qu’ils souhaitent, ou en payant eux-mêmes les factures, voire en distribuant des bons alimentaires en fonction des besoins.
En quoi consiste le travail préalable à l’aide financière versée aux personnes en difficulté ?
A.-C.D et J.-F.D : Il s’agit dans un premier temps d’identifier les personnes à aider via nos services pré-contentieux. Dans certains cas, il s’agit de locataires qui ne peuvent pas payer et nous le disent directement en nous faisant part des difficultés financières qu’ils rencontrent. Dès lors, nous prenons contact avec la personne ou la famille en question, nous évaluons la situation, identifions les ressources dont elles disposent, les charges qu’elles doivent assumer, faisons un point sur leur situation professionnelle, de manière à définir les aides qu’il convient de débloquer. Il arrive également que nous les orientions vers d’autres structures. Ensuite, nous présentons les profils étudiés à une commission, à laquelle prennent part un administrateur représentant des associations de locataires ainsi que les représentants des communes signataires de la convention. Les dossiers sont étudiés un par un.
Le dispositif a-t-il pu voir le jour rapidement ?
A.-C.D et J.-F.D : Absolument, depuis l’accord du conseil d’administration de notre office en décembre 2020 nous avons déjà signé huit conventions, quatre sont en cours, sur 70 communes, représentant 75 % de notre patrimoine. Nous visons les 90 % pour cet été. L’aide maximum annuelle pour une famille est de 300 €. Nous avons consommé à ce jour 6350 € avec une moyenne d’aide de 200 euros par foyer. 23 foyers ont aujourd’hui bénéficié de ce soutien. Le fonds expérimental est prévu pour une année, au terme de laquelle nous ferons le bilan et déciderons de sa reconduction.
Dans quelle mesure la simplicité et la souplesse du dispositif sont-elles garantes de son succès ?
A.-C.D et J.-F.D : Il faut à tout prix éviter que ce soit une usine à gaz. Nous avons une commission par mois, avec une dizaine de dossiers par commission, traités en 45 minutes.
Observez-vous déjà des effets positifs ?
A.-C.D et J.-F.D : Oui, les locataires se sentent soutenus par leur bailleur, qui n’est pas vu uniquement comme celui qui vient réclamer son loyer. Ce coup de pouce les motive et les aide à se projeter, à rebondir, d’autant que le dispositif peut être couplé avec une aide du FSL ou un autre accompagnement social.
Un service « après-vente » est-il prévu pour les accompagner au-delà de l’aide financière ?
A.-C.D et J.-F.D : L’action s’inscrit sur le long terme. Depuis la première commission, qui s’est déroulée fin mars, nous avons gardé le contact avec chacune des personnes aidées, nous prenons régulièrement des nouvelles, essayons de savoir où elles en sont.
A quels types de profils avez-vous généralement affaire ?
A.-C.D et J.-F.D : Les profils sont variés. Ils ont toutefois un point commun : les personnes concernées sont souvent au chômage partiel, ou ont perdu leur emploi, ou viennent de terminer un contrat qui n’a pas été renouvelé. Il s’agit essentiellement de familles avec enfants, qui sont parfois au-dessus des plafonds et ne peuvent prétendre à d’autres aides. Mais il y a aussi des couples et des personnes seules. Je pense à une jeune fille de 22 ans que nous avons accompagnée, qui va de petits boulots en petits boulots, qui n’avait jamais été concernée par un impayé et était loin de s’imaginer pouvoir un jour demander une aide. Ce sont presque toujours des cas exceptionnels, des gens qui ont eu un accident de parcours lié à la crise sanitaire. C’est d’ailleurs le critère essentiel de nos commissions : il doit s’agir de gens qu’on devrait ne plus revoir plus tard si on les a aidés au bon moment. Autre exemple : nous avons aidé une famille dont le père est en invalidité, sa fille apportant le seul revenu du foyer.



